Description
Chaque hiver la question se pose : comment protéger les sans domicile fixe (SDF) et les populations vulnérables quand la température descend autour de zéro degrés ? Pour y répondre, les pouvoirs publics, en Corse comme en métropole, déclenchent automatiquement chaque année le plan départemental « Grand Froid » du 1er novembre au 31 mars. Ce plan définit le dispositif d'accueil, d'hébergement et d'insertion mis en oeuvre par l'Etat et le secteur association, et s'insère dans un ensemble de mesures de lutte contre la très grande pauvreté : aide au maintien dans les logements, soutien financier aux associations qui fournissent des colis alimentaires et prime de Noël. La pauvreté constitue justement l'une des 5 priorités de l'Union européenne (inscrites dans la Stratégie Europe 2020).
En Corse-du-Sud, à Ajaccio, les populations sans domicile fixe ont longtemps manqué d'un abri pérenne. Seul un local de nuit temporaire palliait à cette carence, grâce à un financement départemental de 30 000 euros. L'idée de créer une structure d'hébergement d'urgence permanente pour les personnes sans-abri, ou en errance, a germé dès 2004, et s'est concrétisé six ans plus tard.
En 2010, le préfet de Corse-du-Sud a réuni les collectivités locales, associations et bailleurs sociaux pour permettre la construction de cette structure pérenne. La première pierre du bâtiment baptisé « Alba » a été posée en septembre 2012, et sa construction s'est achevée en octobre 2013. La maîtrise d'ouvrage a été assurée par la société Erilia, en collaboration avec les services techniques de la ville d'Ajaccio et la direction départementale des territoires et de la mer.
D'une superficie de 586 m² sur un étage, l'Alba a reçu le label BBC « Bâtiment Basse Consommation » et répond aux normes acoustiques et environnementales actuelles. Il se rapproche d'un habitat ordinaire : 30 chambres individuelles avec équipements sanitaires (dont 2 accessibles aux personnes handicapées ou à mobilité réduite), une salle à manger et de détente, 1 coin cuisine permettant de réceptionner - et non de chauffer ou de - les repas confectionnés par une association d'Ajaccio, et 2 bureaux vitrés afin de préserver la confidentialité des entretiens. En revanche, le centre n'est pas habilité à recevoir des familles.
Depuis le 2 décembre 2013, date de son ouverture, l'Alba est géré par la Croix-Rouge française à travers Ghyslaine Gaudioso, la responsable du centre. Avec son équipe (1 éducatrice spécialisée, 3 personnes dédiées à l'accueil, 2 veilleurs de nuit et 1 agent d'entretien), elle a accueilli 219 personnes en 10 mois. La population est principalement composée d'hommes (199 âgés en moyenne de 43 ans, pour seulement 20 femmes, dont l'âge moyen est de 41 ans). « Les femmes sont d'instinct plus méfiantes surtout dans les hébergements mixtes. L'Alba a l'énorme avantage de proposer des chambres individuelles, nous voyons donc de plus en plus de femmes arriver chez nous, mais elles restent en moyenne moins longtemps que les hommes », explique Ghyslaine Gaudioso. Les profils des pensionnaires sont très divers : « Beaucoup de chômeurs et de personnes en marge que nous essayons de raccrocher au marché du travail, mais la difficulté principale tient souvent à des problèmes d'addiction (drogue, alcool). Nous recevons aussi des migrants en possession de cartes de séjours, attirés par un chantier ou une promesse de travail, en provenance d'Afrique et passés par l'Espagne et l'Italie ». La responsable du centre ajoute cependant qu'elle accueille de plus en plus de Français, dont des Corses « la population locale se paupérise et ce centre d'hébergement était très attendu », ajoute la représentante de la Croix-Rouge locale.
Ce projet a pu être mené grâce à l'aide apportée par l'Union européenne, qui a financé à hauteur d'un peu plus de 20 % du total, soit 392 946 euros, via le fonds européen de développement régional (FEDER). Le coût de la construction, hors foncier, s'était élevé à près de 2 millions d'euros. Le terrain, quant à lui, évalué à 106 920 euros, avait été acquis par la mairie d'Ajaccio auprès de la société ADOMA, puis cédé à la société ERILIA pour 1? symbolique.
Les frais de fonctionnement sont couverts par l'Etat (210 000?), la ville d'Ajaccio (60 000?) et le conseil général de la Corse-du-Sud (60 000?). « Les repas ne sont pas compris dans le budget actuel », précise Ghyslaine, qui rêve déjà à un agrandissement du centre. « Pourquoi pas une véranda ou une terrasse qui permettrait aux résidents de dîner dehors, ainsi qu'une buanderie pour que les personnes sans domicile fixe puissent laver et sécher leur linge avant de retourner à la rue ? » Avec en ligne de mire : l'ouverture en journée de cet établissement HQE «très opérationnel et moderne ». « La moitié des résidents de nuit auraient besoin d'un accompagnement social qui ne peut se faire qu'en journée ».
Key figures
- 3 000 m2 de terrain situés à Mezzavia
- 219 personnes en 10 mois